La foire aux soupirs.

Publié le par Zoé Klein

C’est en m’accrochant au bar avec euphorie et déséquilibre que Marc me parle de toi. On dit des choses et d’autres et il me laisse deviner de façon assez évidente que tu as quelqu’un. Non, pas quelqu’un : que tu as déjà une fille près de toi. Pas n’importe laquelle je suppose, sinon pourquoi elle ?

« Tu n’aurais pas du me dire ça. »

C’est vrai que sur le coup, j’sais pas quoi penser. Ce qui est sûr, c’est que ma confiance en moi et mon entrain en prennent un coup, un seul, juste derrière la nuque. Mes yeux se perdent dans les remous de la piste. Puis ils viennent se fixer à ces pieds chéris, remonter la courbe de tes jambes, de ta cambrure, de ton dos pour enfin remarquer que tu me regardes, un instant, peut-être même juste une fraction de seconde. Pourtant c’est trop tard.

C’est trop tard parce que maintenant je sais. Et sûrement tu te demandes déjà ce qui me vaut cette moue et ces yeux humides. Je sais pas. C’est peut-être le fait d’avoir été aussi dévouée à la certitude que tu pouvais m’aimer, et de m’en rendre compte à cet instant là. Et que dire des remous de l’humeur ? Une fois au plus bas, une fois plus perchée que n’importe quel oiseau.

Je sais pas.

Puis tu m’invites à danser. Avec ton air désinvolte histoire de dire « allez viens, laisse toi tomber dans mes bras et tournoie, laisse toi aller je prendrai soin de toi ». C’est ce que j’entends au bout de tes doigts au bout de ta main tendue vers moi. J’accepte sans réfléchir, sèche l’humidité du coin de mes yeux, et respire un grand coup.

Inutile de préciser que ce moment est onirique. Le tango raconte les amours et les peines, les cris et les baisers. C’est exactement ce que je sens entre toi et moi quand la musique part : tout et rien. Parlons des corps ? J’pourrais écrire un château fort avec tout ce que j’ai à dire sur ça. Je retiens évidement mes lèvres pressées dans ta nuque quand tu me serres fort contre toi après mes ocho démesurés et maladroits. Je sens ta peau et le moindre de ses grains, tendon et nerfs inclus, juste là, raidis par la danse, sous mes doigts. Je respire dans ce cocon, j’exulte silencieusement, je ferme les yeux et te laisse mon corps. Fais-en ce que tu veux. Alors mes muscles se taisent. C’est comme si je perdais connaissance au creux de cet endroit, au creux de toi.

Puis la musique s’arrête. On s’écarte. J’ai bien failli le dire. « J’suis folle de toi ». Les mots qui tournent et se balancent dans ma tête ont failli sortir. C’aurait pu être comique. Je soupire en souriant, histoire de te signifier que tu es incorrigible. Tu fais de même. Et le morceau suivant commence, et la danse reprend. Tu m’emportes trois fois de plus puis me laisse sur le côté avec un sourire. Tu changes de partenaire.

C’en est trop, je sors fumer une clope et l’euphorie prend le contrôle de toutes mes inspirations. J’en reviens pas, de passer d’une détresse totale à un point culminant si vide de toute angoisse. Juste pour une danse. Une danse pour rien.

 

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