Monsieur

Publié le par Zoé Klein

Le blues se balade avec ses lourds pas pareils aux cymbales sourdes et houleuses. Il passe par chez moi parfois. Quand mes amis sont loin, laissés à leurs vies hebdomadaires. Quand mon amour a passé la porte et que je vois une dernière fois sa main sur la poignée puis plus rien.

Le blues se pavane, le plus beau de la cour des sentiments, le plus poète de tous ses contemporains. C’est avec ses habits de misère pourtant qu’il m’aborde au hasard de la journée. Il n’est pas loin derrière mes grands yeux extasiés aux premiers rayons de printemps. Il est l’ombre dans laquelle je me retourne cent fois le soir avant de m’endormir.

Le blues se distingue de la mélancolie par son absence de substance. Il coule le long de mes joues, transpire dans mon dos, pèse sur mes épaules et souffle sur mes doigts. Il évolue au fil de mes angoisses et de mes relations, et prend un malin plaisir à se loger dans mes matins difficiles. Et quand je lui demande pourquoi il se tait.

Le blues se complait dans son propre reflet. Il exhibe ses stigmates et rêve d’un futur près de moi. Il ne dit jamais rien mais je me perds pourtant à deviner ses intentions derrières ses inflexions de soupir. L’analyste en moi s’arrête là où commence le règne du blues.

Et il boit impunément dans mes réserves de raison.

 

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